Toutes les réponses aux questions sur les opérations de sauvetage en Méditerranée
Nous recevons beaucoup de questions concernant les opérations de sauvetage en mer Méditerranée. Ci-dessous vous trouverez des éclaircissements sur nos activités de recherche et sauvetage.
Pourquoi MSF gère-t-elle des opérations de sauvetage en mer Méditerranée ?
En tant qu’organisation humanitaire, nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant que des milliers de gens se noient en mer. Nous savons que nos actions de sauvetage ne sont pas la solution, mais nous le faisons avec un objectif: sauver des vies.
Après les terribles naufrages qui ont causé la mort de plus de 1000 personnes et qui ont provoqué beaucoup d'indignation et attiré l'attention des médias en avril 2015, Médecins Sans Frontières a décidé de se lancer elle-même dans des opérations de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée. Plus tôt, en octobre 2014, le gouvernement italien avait arrêté son opération de sauvetage ‘Mare Nostrum’ et les pays européens n’avaient encore rien mis en place. Nous œuvrons en conformité avec les lois nationales, internationales et maritimes, et toujours sous la coordination des garde-côtes italiens.
En quoi consistent vos opérations de sauvetage actuellement ?
Actuellement, nous participons à des opérations de recherche et sauvetage en mer Méditerranée à bord du bateau géré par l'ONG SOS MEDITERRANEE. Une équipe médicale MSF se trouve à son bord, gérée depuis le Centre Opérationnel d'Amsterdam.
Que se passe-t-il quand MSF sauve des personnes de la noyade ?
Médecins Sans Frontières travaille à 32 kilomètres de la côte libyenne et ne s’approche que si cela est explicitement demandé par le Centre de Coordination de Sauvetage Maritime basé à Rome ou si nous voyons un bateau en difficulté. Toutes nos opérations de sauvetage se déroulent en coordination avec le Centre de Coordination de Sauvetage Maritime.
Lors d'un sauvetage, tout le monde est amené à bord de nos navires, personne n’est laissé derrière sur les canoës de réfugiés. Nous marquons ensuite les petits bateaux vides avant que nous prenions le large. Nous détruisons les bateaux vides non étiquetés.
Ensuite, tout le monde est amené dans un endroit de débarquement, choisi par le Centre de Coordination de Sauvetage Maritime.
MSF respecte-t-elle les lois internationales et maritimes ?
Depuis le début de nos opérations en 2015 en mer Méditerranée, nos activités de recherche et sauvetage se déroulent sous la supervision du Centre de coordination et de sauvetage maritime basé à Rome. Nous continuerons à sauver des personnes en détresse dans le respect des lois nationales, internationales et maritimes.
MSF aide-t-elle les passeurs ?
Il est impossible d'exclure le fait que des passeurs profitent des opérations du sauvetage. Cependant, la raison pour laquelle les passeurs sont actifs se trouve ailleurs.
De nombreuses personnes sont désespérées et veulent fuir à tout prix. Parce que l'UE a fermé presque toutes les possibilités, beaucoup envisagent une option supplémentaire: payer des passeurs pour entamer une traversée illégale. Si des voies de passage légales et sécurisées étaient mises en place pour les réfugiés, ceux-ci ne devraient pas compter sur l’aide des passeurs.
C’est pourquoi Médecins Sans Frontières plaide depuis longtemps pour une solution légale et sûre pour les réfugiés. Tant que cela n’existera pas, les passeurs trouveront des clients.
Pourquoi les réfugiés sauvés sont-ils conduits en Italie ?
Toutes nos opérations de sauvetage ont lieu en collaboration avec le Centre de Coordination de Sauvetage Maritime (CCSM) à Rome. Ils sont chargés de coordonner l’ensemble des opérations de sauvetage sur le morceau de Méditerranée entre l’Italie et la Libye. C’est le CCSM qui détermine l'endroit où nos navires peuvent débarquer les réfugiés secourus. Jusqu'à présent, cela a toujours été dans des ports italiens.
Nous ne pouvons pas décider de manière indépendante d’amener les réfugiés ailleurs, comme en Tunisie ou à Malte.
Pourquoi refusez-vous de ramener les personnes sauvées en Libye?
En Libye, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants continuent d'être arbitrairement détenus dans des centres surpeuplés et inhumains où l'aide humanitaire fournie reste en-deçà besoins croissants. Dès lors, L’Aquarius ne débarque pas les personnes sauvées en mer en Libye. La Libye n'est pas un lieu sûr pour les réfugiés, les demandeurs d'asile et les migrants. Un lieu sûr est un endroit où leurs besoins fondamentaux sont respectés, mais aussi un endroit où ils peuvent demander la protection à laquelle ils ont droit et où ils ne courent pas le risque d'autres abus et violations – ce qui n’est pas le cas de la Libye pour l'instant.
Par conséquent, l’Aquarius est obligé de refuser toute instruction par les autorités maritimes de débarquer les personnes secourues en mer en Libye, ou de transférer les personnes secourues en mer sur tout navire qui les débarquerait en Libye.
Notre objectif consiste à sauver des vies en mer; empêcher les hommes, les femmes et les enfants de se noyer et les amener dans un lieu sûr où leurs besoins fondamentaux sont satisfaits et leurs droits protégés et garantis.
Pour avoir plus d'informations concernant la situation en Libye, cliquez ici.
Pourquoi MSF n'a-t-elle pas signé le code de conduite en 2017 ?
La priorité du Code de Conduite proposé par le Ministère de l’Intérieur italien n’est malheureusement pas de sauver des vies. Au contraire, il risque de réduire la capacité de sauvetage déjà insuffisante. Le Code a aussi pour but d’impliquer les ONG dans un système institutionnel qui n’est pas uniquement humanitaire mais aussi de contrôle militaire des frontières, où en tant qu'organisation humanitaire, nous ne pouvons évidemment pas entrer.
Nous nous sommes toujours engagés à discuter de manière constructive avec les autorités italiennes à propos du Code de Conduite pour les ONG en mer. L’année dernière, nous avions d’ailleurs proposé un mémorandum de compréhension pour améliorer la coordination des activités de sauvetage.
Nous avons rejeté le Code de Conduite pour 3 raisons:
- Le Code de Conduite n’a pas comme priorité de sauver des vies
- La restriction qui empêche les personnes sauvées d’être transférées vers un plus gros bateau de sauvetage limite l’aide en mer.
- La présence de policiers armés à bord (qui nous oblige à coopérer avec les forces de l'ordre) va à l'encontre de nos principes humanitaires fondamentaux et met inutilement en danger la sécurité de notre personnel et de nos patients.
MSF a-t-elle refusé de coopérer avec la justice italienne et la police ?
MSF n’a aucun problème avec le fait d’accueillir la police à bord de ses bateaux, ce qui est déjà le cas à chaque débarquement dans les ports italiens. Cependant, dans aucun des 70 pays dans lesquels nous travaillons, nous n’avons accepté d’armes dans nos hôpitaux. Notre politique de « non-armes » s'applique depuis 46 ans comme condition essentielle aux forces de police, aux armées et aux groupes armés dans les zones en guerre et ailleurs.
Les principes d’indépendance, de neutralité et d’impartialité reconnus internationalement se sont montrés très utiles pour notre travail: ils garantissent ainsi notre contact avec les populations vulnérables et assurent la sécurité de notre personnel et de nos patients partout dans le monde parce qu'ils montrent clairement que notre seul but est d’apporter notre aide. Pour cette raison, l’aide humanitaire doit toujours être entièrement distincte, et perçue comme telle, de toute activité politique et militaire.
Pourquoi avez-vous suspendu vos opérations de sauvetage à bord du bateau "Prudence" en 2017 ?
Les autorités libyennes ont mis en place une zone de recherche et de sauvetage qui s'étend au-delà de ses eaux territoriales. La Libye ne veut pas y donner accès aux bateaux humanitaires. L'endroit où la plupart des sauvetages se déroulent se trouve justement dans cette zone définie par la Libye.
Le centre de coordination et de sauvetage maritime (MRCC) italien nous a avertis qu'il y avait des risques de sécurité si nos bateaux entraient dans cette zone. Dès lors, nous ne pouvons pas exposer notre personnel à bord ainsi que les réfugiés.
Combien de personnes ont-elles été sauvées à bord de l'Aquarius depuis son lancement ?
Avec plus de deux ans d'intervention en Méditerranée centrale, l'Aquarius a assisté plus de 29 000 personnes dans plus de 200 opérations en mer, toutes coordonnées par les autorités maritimes compétentes. En de nombreuses occasions, l'Aquarius a été mobilisé par les autorités maritimes pour accueillir les personnes secourues par d'autres navires en Méditerranée centrale, qu'il s'agisse de navires commerciaux, militaires ou de la garde côtière. Le navire dispose de trois canots de sauvetage rapides équipés d'outils de flottaison d'urgence pour les opérations de sauvetage en masse, d'un équipage de 35 marins spécialement recrutés, de sauveteurs et d'une équipe médicale de MSF formée pour aider les personnes en détresse en mer. L’Aquarius a été conçu pour fournir des soins d'urgence à plus de 500 personnes à la fois pendant plusieurs jours en haute mer.
Est-ce possible de continuer vos sauvetages en mer sans pouvoir désembarquer de façon sécurisée dans les ports italiens?
Il existe une stratégie délibérée de l'Italie et d'autres États membres de l'UE visant à évincer les ONG de la mer, quel que soit le nombre de personnes qui risquent de se noyer en mer. En fermant leurs ports aux navires de sauvetage des ONG, l'Italie et Malte ont honteusement échoué dans leurs responsabilités humanitaires et ont placé la politique sur la vie des personnes vulnérables. Les personnes secourues en mer devraient être débarquées dans le port sûr le plus proche.
Ce que nous avons vu avec la fermeture des ports, c'est que les personnes extrêmement vulnérables qui auraient pu échapper à la noyade en mer se voient refuser le débarquement comme moyen de faire pression sur les autres États européens pour mieux partager la responsabilité des migrants et des réfugiés. Ils sont utilisés comme des pions politiques. Sauver des vies et permettre aux personnes secourues de débarquer dans le port de sécurité le plus proche ne devrait pas faire l'objet de négociations politiques. L'Italie et Malte tiennent en otage des personnes secourues afin de résoudre un autre problème: le manque de solidarité entre les Etats européens.