Médias sociaux

  • FR
Open the menu

Carte Blanche: "Laissez-nous soigner en Syrie"

Syrie © Robin Meldrum/MSF
Syrie © Robin Meldrum/MSF

Le 16 septembre, une coalition de 54 éminents médecins issus du monde entier lançaient, dans une carte blanche publiée par la revue scientifique "The Lancet", un cri d'alarme sur la situation humanitaire catastrophique en Syrie. Un manifeste dans lequel les co-signataires, dont le Dr Unni Karunakara, Président International de Médecins Sans Frontières, et le Dr Paul McMaster, chirurgien travaillant en Syrie pour MSF, se disent "horrifiés par l'ampleur de l'urgence". Ensemble, ils appellent à pouvoir "sauver des vies et soulager les souffrances sans craintes d'attaques ou de représailles". Un appel que nous soutenons. 

Le conflit en Syrie a débouché sur l’une des pires crises humanitaires depuis la fin de la guerre froide. Plus de 100 000 personnes ont été tuées, pour la plupart des civils, beaucoup d’autres ont été blessées, torturées. Des millions ont fui, des familles ont été divisées et des communautés entières déchirées.

Ne laissons pas les discussions sur une intervention militaire occulter notre devoir de les aider.

En tant que médecins du monde entier, nous sommes horrifiés par l’ampleur de cette urgence. Le manque d’accès aux soins pour les civils et le ciblage délibéré des hôpitaux et du personnel médical nous consternent. Il ne s’agit pas de conséquences inévitables ou tolérables de la guerre. Ce sont des trahisons inadmissibles du principe de neutralité médicale. Il est de notre devoir professionnel, éthique et moral de dispenser des soins à quiconque en a besoin.

C’est pourquoi, quand nous ne pouvons le faire nous-mêmes, nous nous devons d’exprimer notre soutien envers ceux qui risquent leur vie à notre place.

L’accès indispensable des civils syriens aux services de santé est presque impossible : 37% des hôpitaux ont été détruits, 20% sont sérieusement endommagés.

Les dispensaires de fortune deviennent des centres de traumatologie à part entière, peinant à faire face à l’afflux de blessés.

Quelque 469 professionnels de santé sont emprisonnés et environ 15 000 médecins ont dû fuir à l’étranger. Avant la guerre, Alep comptait 5 000 médecins, il n’en resterait que 36.

L’augmentation exponentielle du nombre de malades est une conséquence directe du conflit, mais elle résulte aussi de la détérioration du système de santé public syrien, autrefois sophistiqué, et de l’absence de soins curatifs et préventifs appropriés. D’horribles blessures restent sans soins, des femmes accouchent sans aide médicale, adultes et enfants sont opérés sans anesthésie.

Les victimes de violences sexuelles n’ont personne vers qui se tourner.

La population syrienne est exposée aux épidémies d’hépatite, de rougeole, de typhoïde et de diarrhée aiguë. Dans certaines zones, les enfants nés depuis le début du conflit n’ont pas été vaccinés. Les patients atteints de maladies chroniques comme le cancer et le diabète ne peuvent recevoir leurs traitements vitaux de longue durée.

Confronté à d’énormes besoins et à des conditions dangereuses, le personnel médical syrien est pourtant celui qui dispense l’essentiel des soins aux civils. Les restrictions gouvernementales, conjuguées à la rigidité du système international d’aide humanitaire, aggravent la situation.

En conséquence, de vastes régions de la Syrie sont complètement coupées de toute forme d’assistance médicale.

Les professionnels de santé sont tenus de soigner du mieux qu’ils le peuvent quiconque en a besoin. Toute personne blessée ou malade doit pouvoir accéder à un traitement médical.

C’est pourquoi, en tant que médecins, nous demandons d’urgence que nos confrères en Syrie soient autorisés et aidés à sauver des vies et à soulager les souffrances sans crainte d’attaques ou de représailles.

Nous appelons le gouvernement syrien et toutes les parties au conflit à respecter la neutralité médicale et à ne pas attaquer les hôpitaux, les ambulances, les transports de médicaments, le personnel médical et les patients ; le gouvernement syrien doit traduire en justice les auteurs de ces violations conformément aux normes internationales.

Les gouvernements alliés des parties au conflit doivent exiger que celles-ci cessent leurs attaques contre l’aide médicale et qu’elles permettent son acheminement jusqu’aux Syriens, par-delà les lignes de front et à travers les frontières syriennes.

L’ONU doit intensifier son soutien aux réseaux médicaux syriens, tant dans les zones gouvernementales que dans celles contrôlées par l’opposition, où, depuis le début du conflit, le personnel médical risque sa vie pour apporter des soins indispensables.

Parmi les signataires :

Dr Salim S. Abdool Karim (Afrique du Sud), Président du South African Medical Research Council, Directeur du CAPRISA, Centre for the AIDS Programme of Research in South Africa, et de la Nelson R. Mandela School of Medicine, Université de KwaZulu-Natal.
Dr Peter Agre (USA), professeur à la John Hopkins’ Bloomberg School of Public Health, ancien Président de la Commission des Droits de l’Homme de l’Académie Nationale des Sciences et co-lauréat du Prix Nobel de Chimie 2003.
Dr Salah Al Ansari (Arabie Saoudite), Directeur Exécutif, Islamic Medical Committee, World Assembly of Muslim Youth.
Dr Neil Arya (Canada), ancien Président de Médecins pour la Survie Mondiale, Directeur-Fondateur du Global Health Office de la Western University.
Dr Deborah D. Ascheim (USA), Présidente du Conseil d’Administration de Physicians for Human Rights, Directrice Clinique de la Recherche du Département Health Evidence & Policy au Mont Sinaï à New-York.
Dr Holly Atkinson (USA), ancienne Présidente de Physicians for Human Rights et du Human Rights Program du Mount Sinai Global Health de l’Icahn School of Medicine, New-York.
Dr Roberto Luiz d'Ávila (Brésil), Président du Conseil Fédéral de Médecine du Brésil.
Dr Hany El Banna (Egypte/Royaume-Uni), fondateur de Humanitarian Forum et de Islamic Relief, Président du Fond International pour le VIH.
Dr Ahmad Hassan Batal (Syrie/Bahreïn), Professeur d’Ophtalmologie, Président du Batal Eye Center, Membre de la Syrian Expatriates Medical Association.
Prof Dominique Belpomme (France), professeur d’oncologie, Directeur de l’Institut de Recherche Européen sur le Cancer et l’Environnement (ECERI), et Président de l’Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse (ARTAC).
Dr Gro Harlem Brundtland (Norvège), ancienne Directrice Générale de OMS, ancien Premier Ministre de la Norvège, et membre des Elders.
Dr Richard Carmona (USA), 17ème Chirurgien Général des Etats-Unis.
Sir Iain Chalmers (Royaume-Uni), chercheur des services de santé britanniques, un des fondateurs de la Cochrane Collaboration, et coordinateur de la James Lind Initiative.
Dr. Lincoln Chen (USA), Président, BRAC-USA.
Dr Yaolong Chen (Chine), rédacteur de Testing Treatments Interactive (Chinois), l’un des fondateurs du Centre GRADE chinois.
Sir Terence English (Royaume-Uni/Afrique du Sud), ancien Président du Royal College of Surgeons d’Angleterre, et ancien Président de la Bristish Medical Association. Il a effectué avec succès la première transplantation cardiaque en Grande-Bretagne.
Prof Atul Gawande (USA), chirurgien, écrivain et professeur à la Harvard School of Public Health et à la Harvard Medical School.
Dr Elizaveta Glinka (Russie), fondatrice et Présidente de la palliative health charity Spravedlivaya Pomosh (Fair Aid).
Dr Fatima Haji (Bahreïn), rhumatologue, spécialiste en médecine interne au Salmaniya Medical Complex.
Dr Rola Hallam (Syrie/Royaume-Uni), Comité médical «Hand in Hand for Syria» («Main dans la main pour la Syrie»), Secrétaire de la World Anaesthesia Society, et de l’Association des anesthésistes de Grande-Bretagne et d’Irlande.
Dr Fatima Hamroush (Libye), ancienne Ministre de la Santé dans le gouvernement de transition libyen et Présidente de l’Irish Libyan Emergency Aid.
Prof Dr Harald zu Hausen (Allemagne), lauréat du prix Nobel de Médecine en 2008.
Dr Monika Hauser (Allemagne), gynécologue et Présidente-Directrice Générale de Medico Mondial.
Dr Ira Helfand (US), Co-President of IPPNW and Member of the Board, Physicians for Social Responsibility (USA).
Dr Jules Hoffmann (France), lauréat du prix Nobel de Médecine 2011.
Dr Richard Horton (Royaume-Uni), rédacteur en chef de la revue médicale Le Lancet.
Dr Unni Karunakara (Inde), Président International de Médecins Sans Frontières.
Dr Michel Kazatchkine (France), Envoyé spécial du Secrétaire General des nations Unies sur le VIH/Sida en Europe de l’Est et en Asie Centrale.
Dr Kerem Kinik (Turquie), Président de Doctors Worldwide Turkey.
Dr Sergey Kolesnikov (Russie), co-président en Russie de l’IPPNW (Association Internationale des médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire), professeur à l’Université d’Etat de Moscou
Prof Dr Sebnem Korur Fincanci (Turquie), Présidente de la Human Rights Foundation de Turquie et l’une des fondatrices de la Turkish Association of Forensic Medicine.
Dr Robert Lawrence (USA), Professeur en Sciences de la Santé Environnementale, Politique de Santé et Santé Internationale à la John Hopkins’ Bloomberg School of Public Health, fondateur du Centre for a Livable Future à la John Hopkins’ Bloomberg School of Public Health et co-fondateur du Physicians for Human Rights.
Dr Kgosi Letlape (Afrique du Sud), Président de l’African Medical Association et Directeur Général de Tshepang Trust.
Dr Mohammed G. A. Al Maadheed (Qatar), Président du Croissant-Rouge du Qatar, Vice-président de la Fédération Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Asie).
Prof Serigne Magueye (Sénégal), Chirurgien de la fistule, professeur de chirurgie/urologie à l’Université de Cheikh Anta Diop et chef d’uro-andrologie à l’Hôpital Général de Grand Yoff. Il a reçu la Médaille pour la Paix des Nations-Unies au Rwanda.
Dr. Jemilah Mahmood (Malaisie), Fondatrice et ancienne Présidente de la Malaysian Medical Relief Society (1999-2010), membre du Conseil d’Administration de DARA, lauréate du prix Isa pour services rendus à l’Humanité.
Dr Paul McMaster (Royaume-Uni), Chirurgien travaillant avec MSF en Syrie.
Dr Denis Mukwege (RDC), Fondateur et Directeur Médical de l’hôpital Panzi dans la province du Sud Kivu, République Démocratique du Congo.
Dr Robert Mtonga (Zambie), Co-président de l’IPPNW (l’Association Internationale des médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire).
HE Dr Laila Negm (Egypte), Directrice du Département de Santé et Humanitaire de la Ligue Arabe.
Dr Rose Nyabanda (Kenya), Chef de radiologie au Kenyatta National Hospital, Kenya.
Prof Sir Michael Rawlins (Royaume-Uni), Président de la Royal Society of Medicine.
Dr Tilman A Ruff (Australie), Professeur agrégé au Nossal Institute for Global Health, Université de Melbourne, co-président de l’IPPNW (l’Association Internationale des médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire).
Prof Hamid Rushwan (Soudan/Royaume-Uni), Directeur Général du Conseil d’Administration de la Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique.
Dr Abdulghani Sankari (USA), former Vice-President of Syrian American Medical Society, Physician and Researcher, Wayne State University-VA Health Services Research and Development Center, United States Department of Veterans Affairs.
Dr Eloan dos Santos Pinheiro (Brésil), ancien Directeur de la Oswaldo Cruz Foundation.
Dr Babulal Sethia (Royaume-Uni), Président élu de la Royal Society of Medicine du Royaume-Uni.
Dr Imtiaz Sooliman (Afrique du Sud), fondateur et Président de Gift of the Givers
Dr Annie Sparrow (Australia), former director of UNICEF’s malaria program in Somalia, intensive care pediatrician, and professor of global health, Icahn School of Medicine at Mount Sinai in New York.
Dr Laila Taher Bugaighis (Libye), Directrice Générale adjointe du Centre Médical de Benghazi, membre du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists de Londres (RCOG), Maître de conférences, fondatrice du National Protection Against Violence Committee et co-fondatrice de l’organisation démocratique Al Tawafuk Al Watani.
Prof Prathap Tharyan (Inde), Professeur de Psychiatrie au Christian Medical College (Vellore, en Inde). Coordinateur du réseau Cochrane en Asie du Sud et membre du Groupe Scientifique consultatif de l’OMS- ICTRP (Système d’Enregistrement International des Essais Cliniques).
Prof Dr Michael VanRooyen (USA), Professeur de médecine à la Harvard Medical School, Directeur de la Division de Santé Internationale et Programmes Humanitaires du Département de Médecine d’Urgence du Brigham and Women’s Hospital, et Directeur de l’Harvard Humanitarian Initiative.
Dr Vasiliy Vlassov (Russie), Président de la Russian Society for Evidence Based Medicine.
Prof Ron Waldman (USA), Président du Conseil d’Administration de Médecins du Monde- USA et rédacteur en chef de Global Health: Science and Practice.

 

Cet appel, publié hier par The Lancet, paraît aujourd’hui dans plusieurs quotidiens étrangers. 

Urgence Syrie