Message de MSF aux Syriens piégés dans le conflit
Message adressé par MSF aux populations syriennes sur les médias sociaux. Près de 30.000 personnes l'ont liké en quelques jours alors qu'il circulait massivement sur les réseaux sociaux de langue arabe.
Cela fait maintenant des années que MSF est présente dans tous les coins de la planète en proie à de graves crises humanitaires. Aujourd’hui, nous sommes présents dans près de 80 pays dont la Lybie, l’Iraq, ou l’Afghanistan. Mais en 40 ans, la guerre en Syrie fait partie des pires contextes dans lesquels nous avons été amenés à travailler.
Pour garder son indépendance, MSF a en effet choisi de ne pas dépendre d’argent public pour développer ses programmes en Syrie.Ces 4 dernières années, beaucoup d’entre vous ont été traités par nos médecins dans le Nord de la Syrie, au Liban, en Jordanie, en Egypte ou en Irak. Depuis août 2011, nous sommes à vos côtés, prodiguant des tonnes de matériel médical et de médicaments, installant des infrastructures de santé et ceci grâce aux fonds privés octroyés par nos donateurs. Pour garder son indépendance, MSF a en effet choisi de ne pas dépendre d’argent public pour développer ses programmes en Syrie.
En 2013, nous gérions encore 6 hôpitaux dans le Nord du pays. Nous y avons réalisé pas moins de 225.000 consultations, 12.0900 opérations chirurgicales et assisté 3.100 accouchements. Mais déjà à cette époque, nous étions conscients du fait que la majorité d’entre vous n’avait pas accès aux soins médicaux de base, et ce dans un contexte de guerre lourd où les besoins étaient immenses.
Conscients de l’insuffisance de cette aide, nous avons développé notre soutien aux médecins, aux infirmiers et à tout le personnel médical qui continue vaille que vaille à apporter des soins aux populations piégées dans des zones en état de siège ou de conflits récurrents. Ce soutien au réseau de santé syrien est aujourd’hui au cœur de notre action en Syrie.
Mais augmenter notre présence directe en Syrie demeure pour le moment impossible, et ce, pour plusieurs raisons :
les conditions de sécurité générale en Syrie sont catastrophiques. La violence n’épargne personne, pas même les organisations humanitaires D’abord, les conditions de sécurité générale en Syrie sont catastrophiques. La violence n’épargne personne, pas même les organisations humanitaires. Nous voyons chaque jours des hommes, des femmes, des enfants estropiés ou tués suite à l’explosion d’une bombe baril, tirs d’artillerie ou suite à des échanges de tirs. La guerre n’épargne ni les gens ni les biens. Même les hôpitaux, qui devraient être des havres de paix sont trop souvent la cible de groupes armés. Comment apporter des soins si le personnel médical est constamment menacé dans son intégrité physique ? Les médecins et les infirmiers doivent pouvoir travailler dans des conditions de sécurité acceptables, l’approvisionnement doit pouvoir leurs parvenir et ne pas être bloqué aux points de passages sur les lignes de fronts, et bien sûr, les patients doivent pouvoir se rendre dans les infrastructures médicales sans risquer leur vie. Or, aujourd’hui, aucune partie au conflit ne semble être prête à garantir ces exigences minimales.
Seul un personnel médical syrien totalement dévoué, nous permet encore de gérer directement un centre de grands brûlés à Idlib, un hôpital situé dans la zone rurale près d’Alep, un centre d’urgence dans la région d’Alep et d’un centre de santé à Al Hasakeh.
Un autre obstacle à notre présence sur place est la prise de contrôle de larges pans du territoire syriens par l’Etat Islamique (EI). Le 2 janvier 2014, 13 membres de notre équipe ont été enlevés dans les montagnes du Jabal al Akkrad. 5 d’entre elles furent détenues pendant près de 5 mois. Cet événement nous a obligés à fermer les 4 hôpitaux et centres de santé que nous gérions encore dans les zones contrôlées par l’EI dans le Nord du pays. Malgré leurs demandes répétées, MSF ne travaillera pas dans des zones que l’EI contrôle tant que nous n’aurons pas reçu de la part de leurs dirigeants, un engagement clair que notre staff médical ne sera pas enlevé ou attaqué. Cette garantie ne nous a pas été donnée jusqu’ici par l’EI.
Un troisième obstacle est le fait que nous n’ayons jamais reçu de la part du Gouvernement syrien d’autorisation pour travailler dans le pays, et ce malgré des demandes répétées. Cela ne nous a pas empêché de garder un contact suivi avec le réseau de médecins et d’infirmiers qui continue, dans des conditions indicibles, à apporter des soins à ceux qui sont coincés au cœur du conflit. Nous travaillons ainsi avec près de 100 infrastructures médicales dans tout le pays, que ce soit dans des zones contrôlées par le Gouvernement ou par l’opposition, leur livrant des médicaments et du matériel médical, proposant des formations et l’expertise que nous avons acquises dans la gestion des crises humanitaires. Nous avons décidé de nous concentrer sur les zones qui sont les plus impactées, là où les besoins sont les plus importants et où les autres organisations ne peuvent apporter leur assistance. C’est la raison pour laquelle nous nous concentrons surtout sur les zones en état de siège, là où les conflits sont les plus lourds.
Nos collègues en Syrie et le réseau médical que nous soutenons nous signalent que l’aide humanitaire internationale est en grand partie bloquée en Syrie. Les organisations qui travaillent avec l’autorisation du Gouvernement syrien ne peuvent pas œuvrer dans les zones contrôlées par l’opposition de crainte que leurs autres opérations ne soient fermées. Et celles qui travaillent dans les zones contrôlées par l’opposition ne sont clairement pas les bienvenues dans les zones gouvernementales. Même la prolongation de l'accord autorisant l'acheminement de l'aide humanitaire transfrontalière décidée par le Conseil de sécurité des Nations Unies ne permet pas que l’assistance internationale atteigne le degré requis par la crise.
Alors que la situation requerrait sans doute de notre part la mise en place d’un de nos plus grand programme humanitaire de nos 40 ans d’histoire, nous sommes réduits à un niveau d’activité minimal MSF est présente massivement auprès de ceux qui ont fui dans les pays limitrophes. Mais en Syrie même, alors que la situation requerrait sans doute de notre part la mise en place d’un de nos plus grand programme humanitaire de nos 40 ans d’histoire, nous sommes réduits à un niveau d’activité minimal.
La prévalence des aspects politiques et militaires dans les débats sur la crise syrienne risque de faire passer la question humanitaire au second plan. Mais nous ne baissons pas les bras, cherchant tous les moyens d’apporter une assistance médicale adéquate au cœur de la Syrie. Cela reste notre seul objectif. Etre auprès des Syriens qui sont les otages de ce conflit sans fin.