Lomera Sud-Kivu : D’abord la ruée vers l’or, puis le choléra

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Début mai, Médecins Sans Frontières (MSF) a lancé une intervention d’urgence pour répondre à une épidémie de choléra à Lomera, au Sud-Kivu, où la ruée vers l’or et l’absence de conditions d’hygiène adéquates ont favorisé la propagation rapide de la maladie. Plus de 8 000 personnes ont été vaccinées et plus de 600 autres ont été traitées. Les équipes ont travaillé sans relâche pour soigner les malades et améliorer l’accès à l’eau potable.

Jusqu’à récemment, Lomera était un paisible village au bord du lac Kivu, en République Démocratique du Congo (RDC), à peine connu par les habitants de la région du Sud Kivu. En décembre dernier, tout a changé du jour au lendemain lorsque de l’or a été découvert dans les collines environnantes.

La ruée vers la fortune — alimentée par l’insécurité économique que les affrontements entre le groupe armé M23/AFC, l’armée congolaise (FARDC) et leurs alliés de la milice Wazalendo ont accentué —a transformé Lomera en un point de convergence pour des milliers de personnes à la recherche de travail et du gain financier qu’il fait miroiter.

En quelques mois à peine, la population est passée de 1 500 à plus de 12 000 habitants. Le village est désormais un vaste chaos de puits, de mines et d’abris de fortune.

« Nous vivons dans des conditions très difficiles, avec peu d’espace, mais nous faisons avec, car nous devons survivre », explique Chiza Blonza, 45 ans, qui a quitté sa ferme à Walungu (à environ 90 kilomètres) pour venir travailler dans les mines.

Chaque jour, de nouveaux arrivants s’entassent dans des abris déjà surpeuplés—parfois jusqu’à 20 personnes par pièce. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’une catastrophe sanitaire ne survienne.

« Tous les facteurs propices à une flambée de cas de choléra sont réunis ici », constate Matilde Cilley, référente médicale du projet pour MSF. « On observe une surpopulation extrême, le manque criant d’eau propre, la défécation à ciel ouvert sur les collines, et une absence totale de gestion des déchets. » 

Le choléra est endémique dans cette région de la RDC, et le lac est contaminé par la bactérie, cependant une épidémie de cette ampleur reste inhabituelle. Les 13 premiers cas à Lomera ont été signalés le 20 avril. En deux semaines, ce chiffre a bondi de plus de 700 % pour atteindre 109 cas—un nombre probablement sous-estimé. Aujourd’hui, la localité concentre 95 % des cas de choléra de la zone de santé de Katana, qui compte plus de 275 000 habitants.

MSF a été la principale organisation internationale à intervenir, déployant une réponse d’urgence le 9 mai. Les équipes ont travaillé sans relâche pour contenir l’épidémie. En seulement quatre jours, plus de 8 000 personnes ont été vaccinées—mais, faute de doses suffisantes, une seule dose a pu être administrée au lieu des deux recommandées. 

Plus de 600 personnes, dont une grande partie arrivant dans un état critique, ont été soignées dans une Unité de Traitement du Choléra (UTC), une structure temporaire de 20 lits installée par MSF.

« La grande majorité de nos patients travaillent dans les mines, où ils utilisent l’eau contaminée du lac pour séparer l’or de la terre, s’exposant ainsi à la bactérie », explique le Dr Théophile Amani, médecin MSF à Lomera. « Le travail manuel pénible et la consommation élevée d’alcool font que beaucoup sont déjà déshydratés avant même d’être infectés. » 

Après leurs traitements, les patients reçoivent de la part des équipes MSF des kits d’hygiène—seau, pastilles de purification d’eau et savon—ainsi qu’une sensibilisation et des informations essentielles afin de prévenir de futures infections.

Bonheur Maganda, 25 ans, originaire de Kabamba, est l'un de ces patients. Il est venu travailler dans les mines pour subvenir aux besoins de ses enfants et raconte que nombre de ses collègues sont aussi tombés malades.

« Sans MSF, beaucoup seraient morts », témoigne-t-il. « L’agent de promotion de santé m’a expliqué l’importance de me laver les mains avec de l’eau propre et de faire attention à la nourriture. Je partagerai ces conseils avec les autres. » 

MSF a également installé une station de traitement et de distribution d’eau au bord du lac, fournissant environ 60 000 litres d’eau potable par jour. 100 latrines ainsi que 25 points de lavage des mains supervisés par des promoteurs de la santé, ont été mis en place dans le campement, notamment dans les restaurants et lieux publics. La recherche active des contacts et le traitement préventif des personnes exposées au choléra ont été essentiels pour contenir la propagation.

L’intervention d’urgence de MSF sera bientôt transférée à d’autres partenaires, mais il est urgent de trouver des solutions durables pour garantir l’accès continu à l’eau potable. 

« Sans investissements conséquents dans les infrastructures d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH), des flambées comme celle-ci risquent de se répéter régulièrement », alerte Muriel Boursier, cheffe de mission MSF à Bukavu. « Actuellement, le puits le plus proche se trouve à trois kilomètres. Les partenaires internationaux et les autorités locales doivent se mobiliser pour mettre en place des solutions durables. »

Compte tenu du flux constant de personnes arrivant et repartant, de nouvelles livraisons de vaccins seront également nécessaires pour protéger la population. 

« Le Sud-Kivu—et l’est de la RDC en général—fait face à d’énormes défis logistiques pour acheminer les fournitures médicales essentielles, y compris vaccins, médicaments et équipements, là où elles sont le plus nécessaires », explique Muriel Boursier, cheffe de mission MSF à Bukavu.

« Si l’insécurité joue certainement un rôle, la fermeture des aéroports de Bukavu et Goma a eu un impact encore plus important, limitant fortement notre capacité à acheminer l’aide vitale. Les coupes internationales dans le financement humanitaire réduisent aussi la disponibilité des fournitures médicales et leur distribution sur le territoire. Nous appelons les autorités et les partenaires internationaux à tout mettre en œuvre pour rétablir l’accès et soutenir la réponse sanitaire face à la multitude d’urgences qui touchent aujourd’hui la région. »

La lutte contre les épidémies de choléra reste une priorité pour MSF en RDC. Rien qu’en 2024, les équipes médicales ont traité plus de 15 000 cas de choléra à travers le pays, en collaboration avec les autorités sanitaires locales et les communautés, permettant ainsi de sauver des vies et enrayer la propagation de la maladie.

Ezekiel
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