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Quatre patients à opérer en même temps lors des combats à Kunduz

Country
Afghanistan

Les combats qui ont eu lieu à Kunduz avant la prise de pouvoir par les Talibans en Afghanistan mi-août, ont été parmi les plus violents du pays. Dès le premier jour, nos équipes ont dû agir rapidement pour faire face au nombre important de blessés et ont ainsi décidé de transformer temporairement certains de nos bureaux de la ville en une unité de traumatologie. L'un de nos médecins à Kunduz parle du chaos qui régnait pendant les combats et des jours épuisants qui ont suivi. - Témoignage datant du 9 septembre 2021

Le premier soir, il y a eu des bombardements et des tirs continus. Nous avons dû nous réfugier dans un bunker, où nous sommes restés toute la nuit. Nous n'avons pas fermé l'œil. Les personnes blessées ne pouvaient tout simplement pas atteindre notre unité de traumatologie, car aller dans la rue était trop dangereux.

Le lendemain matin, plusieurs blessés sont arrivées à l’unité. Nous étions toujours coincés dans le bunker, il y avait toujours des combats autour de nous. Nos collègues ont demandé notre aide de toute urgence : un patient blessé par balle à la poitrine devait être opéré très rapidement.

A un moment donné, les combats ont cessé. Trois d'entre nous ont alors couru de l'autre côté de la rue vers le bloc opératoire. Le pouls du patient venait de s'arrêter, nous avons donc commencé les compressions thoraciques pendant que l'anesthésiste cherchait une voie respiratoire. J'ai fait deux trous dans la poitrine pour permettre au sang de s'écouler des poumons ; pendant ce temps, un autre collègue a essayé d'arrêter l'hémorragie sous le sternum. Nous avons pu voir assez rapidement que la balle avait probablement touché une partie du cœur... il devenait évident que nous n'avions aucun moyen de le sauver.

Een van de operatiekwartieren in Kunduz.
Notre équipe de chirurgiens dans l'une de nos salles d'opération, à Kunduz. © MSF, août 2021.

PAS UN MOMENT DE RÉPIT

Ainsi commença notre première journée. Dès ce moment, notre équipe a été complètement dépassée. Les blessés continuaient à affluer. Nous avons vu des blessures par balle, des blessures dues à l'explosion de bombes... de nombreuses personnes avaient été prises entre deux feux.

Cette journée semblait ne pas avoir de fin. Beaucoup de nos employés ne pouvaient toujours pas atteindre l'unité de traumatologie. L'équipe de nuit a travaillé toute la journée. Certains faisaient de petites siestes par nécessité pendant que les autres travaillaient.

Vers 6h30 le lendemain matin, un médecin urgentiste m'a appelé : « J'ai besoin de votre aide maintenant. Les combats se sont calmés, j'ai traversé la route en courant avec le chirurgien. Nous sommes arrivés dans une unité bondée.

Quatre patients ont eu besoin d'une intervention chirurgicale d'urgence - en même temps. Nous avons commencé avec deux patients, en faisant tout notre possible pour maintenir les deux autres en vie pendant ce temps. Les deux qui attendaient ont survécu et nous avons pu les opérer également. Finalement, un patient est décédé, mais trois ont survécu, ce qui est tout de même assez impressionnant - ils avaient tous de très graves blessures par balle.

Op de spoeddienst verzorgt onze dokter een patiënt met een complexe beenbreu, opgelopen tijdens de bombardementen
Au service des urgences, notre médecin soigne un patient touché lors d'un bombardement souffrant d'une fracture complexe de la jambe. © MSF, août 2021.

UN TROU DANS LE BRAS

L'un des jours suivants, un père a amené son jeune fils aux urgences. Le garçon ne pleurait pas, il regardait tranquillement et calmement devant lui. À première vue, il semblait aller bien, il n'y avait absolument aucune urgence immédiate selon moi à ce moment-là.

Son père lui avait déjà mis un pansement. Les doigts qui dépassaient du bandage avaient l'air bien, la circulation sanguine semblait correcte, sa main était chaude, un bon signe. J'ai ensuite vérifié son atteinte nerveuse et voilà : le garçon ne semblait rien ressentir. Cela indiquait que les trois nerfs différents de cette zone avaient été coupés. J'ai soigneusement desserré le bandage. Je me souviens très bien du moment où les bandages ont été enlevés : j’ai vu un trou béant dans l'avant-bras de l'enfant. Il avait été touché par une balle perdue, le père me l'a dit plus tard. 

Je peux encore voir les visages du personnel. Personne ne s'y attendait. Et moi non plus. Médicalement, nous étions tous d'accord que l'amputation était probablement la meilleure option. Le père n'était pas d'accord. Il voulait lui donner une chance. Nous avons fait de notre mieux pour nettoyer la plaie et garder les tissus vivants. Un fixateur externe, une sorte d'attelle métallique, maintenait les os en place. A ce jour, la main du garçon va bien. Il n'aura plus jamais une main tout à fait fonctionnelle, c'est sûr. Mais la main est toujours là et nous ne nous y attendions pas.

Maintenant que les combats ont cessé, nous voyons plus de patients arriver à l’hôpital. Beaucoup d'entre eux ont déjà reçu une sorte de traitement d'urgence : ils se sont rendus à l'hôpital le plus proche et le personnel médical faisait ce qu'il pouvait. Depuis peu, ils viennent tous directement à l’unité de MSF. Très souvent, nous constatons qu'il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire pour sauver le patient. Mais nous essayons au maximum de stabiliser, de sauver les personnes blessées.