Comment MSF utilise l'intelligence artificielle pour identifier plus rapidement les serpents au Soudan du Sud

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Apuk Jiel Bak, un membre de la famille d'un patient qui avait reçu son congé la veille matin après avoir guéri d'une morsure de serpent.

Savais-tu que les morsures de serpent sont l'une des maladies tropicales les plus négligées au monde, en raison du manque de recherche sur des antidotes abordables ?

Les morsures de serpent constituent un problème de santé majeur dans le monde entier et affectent particulièrement les communautés isolées et défavorisées. De plus, elles sont souvent exacerbées par les déplacements ou les chocs climatiques, par exemple. Selon l'Organisation mondiale de la santé, environ cinq millions de personnes sont mordues par des serpents chaque année, dont deux millions souffrent de conséquences graves et environ 100 000 en meurent. Bien que des millions de personnes soient touchées dans le monde entier, il y a encore peu de recherches sur des remèdes antivenimeux abordables.

Rien que l'année dernière, MSF a traité 481 personnes dans les hôpitaux de Twic et d'Abyei au Soudan du Sud pour des morsures de serpents venimeux, avec un pic entre mai et octobre. Les morsures de serpent représentent un danger majeur dans la région.

Le Dr Gabriel Alcoba, consultant médical pour les maladies tropicales négligées (MTN), explique comment MSF utilise l'intelligence artificielle (IA), associée à des initiatives locales, pour reconnaître et traiter les morsures de serpent au Soudan du Sud.

L'innovation en action

« Je me souviens d'une époque où nous utilisions des albums photos pour identifier les serpents dans les hôpitaux de MSF. Le personnel médical feuilletait les photos pour savoir quel serpent avait mordu un patient.

Désormais, il existe des méthodes plus rapides et plus fiables grâce aux dernières technologies : l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique... Des experts de l'Université de Genève et de Médecins sans frontières ont créé une base de données d'environ 380 000 photos de serpents de différents pays et la développent en permanence. L'application qui l'accompagne utilise l' intelligence artificielle pour faciliter l'identification des espèces de serpents, en fournissant des informations essentielles pour un traitement adéquat. L'application peut identifier avec précision une vingtaine d'espèces de serpents et la plupart des quelque 500 cas de morsures de serpent que nous traitons au Soudan du Sud, par exemple, sont causés par ces espèces de serpents.

Au Soudan du Sud, nous testons actuellement l'identification des serpents à l'aide de l'IA dans deux de nos hôpitaux - dans les villes de Twic et d'Abyei. Les prmiers résultats sont prometteurs : l'IA identifie parfois les serpents encore mieux que les experts !

Notre collègue Noon Makor, responsable de l'équipe de promotion de la santé à Abyei, explique : « L'utilisation de l'application dans le cadre du projet permet non seulement d'identifier les serpents, mais aussi de faciliter la décision de l'équipe médicale quant au traitement des patients. Par exemple, l'appli peut faire la distinction entre les serpents venimeux comme le cobra égyptien ou le mamba noir et les serpents inoffensifs comme la couleuvre domestique africaine. Cela aide énormément à réduire le gaspillage de précieux agents antivenimeux. »

Les patients reçoivent souvent le mauvais traitement parce que le serpent n'est pas correctement identifié, ou un antidote précieux est gaspillé pour des morsures de serpents non venimeux, qui peuvent également provoquer de graves effets secondaires.

Le Soudan du Sud est l'un des pays où le nombre d'études écologiques sur les serpents est le plus faible, mais où le nombre de morsures de serpents est également élevé. C'est surtout entre mai et octobre que nous admettons dans nos hôpitaux de nombreuses personnes victimes d'empoisonnements dus à des morsures de serpent. L'année dernière, dans les deux hôpitaux de Twic et d'Abyei, nous avons traité 481 personnes à cause d'une morsure de serpent venimeux.

Une partie du projet consiste également à fournir des informations sur les morsures de serpent, pour lesquelles l'équipe utilise des spots radio, éduque les communautés affectées et organise des ateliers interdisciplinaires pour le personnel de santé. « Cela permet d'améliorer les connaissances sur l'écologie, la cartographie et la diversité des espèces de serpents dans les villages autour de Twic et de l'hôpital d'Abyei, et les gens apprennent à réagir rapidement et correctement en cas de morsure de serpent », rapporte Noon Makor. « Nous voyons cela se refléter, par exemple, dans le fait que davantage de personnes viennent nous voir pour se faire soigner d'une morsure de serpent. L'éloignement des hôpitaux reste un défi - il faut vraiment être soigné très rapidement après une telle morsure, et si l'hôpital le plus proche est trop loin et que vous n'avez pas de moyen de transport, cela peut être difficile - mais par rapport aux années précédentes, nous constatons une amélioration. Les gens savent maintenant mieux ce qu'il faut faire et où se faire soigner. Notre travail a donc un effet. Il y a aussi une sorte d'effet ambassadeur : les patients que nous traitons retournent dans leur communauté et font des rapports et contribuent activement à améliorer les connaissances sur les morsures de serpent et à faire en sorte que les gens soient traités à temps. »

Pour en savoir plus sur notre projet au Soudan du Sud, consultez le rapport annuel international.