Fermeture des camps de réfugiés de Dadaab, au Kenya: le retour en Somalie n'est pas une solution
Le complexe de réfugiés de Dadaab, au Kenya, abrite actuellement plus de 200 000 réfugiés, principalement somaliens. Les camps existent depuis 30 ans... beaucoup des personnes qui y vivent y habitent depuis longtemps ou n'ont même jamais connu d'autre vie. Récemment, les autorités kenyanes et le UNHCR, l'agence des Nations unies pour les réfugiés, ont annoncé qu'ils fermeraient les camps en juin prochain. Les habitants de Dadaab ont peur et sont incertains quant à l'avenir. Ils sont convaincus d'une chose : ils ne veulent pas retourner en Somalie.
Aller n'importe où sauf en Somalie
"J'aimerais aller n'importe où, mais pas en Somalie", déclare Halima*, 33 ans, qui a quitté le pays en 2008. Elle vit désormais à Dagahaley, l'un des trois camps de Dadaab. Il y a quelques années, elle et sa famille ont tenté de retourner dans son pays d'origine. Elle était à peine arrivée en Somalie qu'elle a été enlevée avec ses cinq enfants. "J'ai été torturée et violée, ainsi que ma fille de 12 ans", raconte-t-elle. "Ce n'est qu'après un mois que nous avons été libérés, nous avons réussi à nous échapper à nouveau vers Dadaab". Lorsqu'elle a entendu à la radio le projet de fermeture de Dadaab, elle a pu imaginer ses enfants dans leurs tombes : "cela m'a brisé le cœur".
Peu d'amélioration dans le pays
Pour Ahmed, 64 ans, qui était rentré en Somalie grâce au programme de rapatriement volontaire du UNHCR en 2018, la vie en Somalie était également loin de ce à quoi il s'attendait. "J'avais espéré qu'il y aurait une amélioration en Somalie, avec une meilleure sécurité et de meilleurs services. Mais il n'y en avait pas. Oui, je suis inquiet de savoir si Dadaab va fermer. Nos conditions de vie ici sont difficiles, mais c'est définitivement mieux ici qu'en Somalie."
De nombreux réfugiés somaliens ne connaissent que la vie dans le camp
D'autres, qui sont nés dans le camp ou y ont vécu presque toute leur vie, se demandent vers quoi ils retournent réellement. Idilo a 20 ans et est né dans le camp : "Je ne connais rien de la Somalie. Toute ma vie, je n'ai connu que Dagahaley." Idilo a trois enfants, tous nés dans le camp.
Les soins réguliers disparaîtraient
Outre les problèmes de sécurité, de nombreux réfugiés s'inquiètent également de l'accès aux services de base, tels que les soins de santé, lorsque les camps fermeront. "Ma plus grande préoccupation est de savoir comment obtenir de l'insuline pour ma fille", dit Isnina. Sa fille doit s'injecter de l'insuline matin et soir depuis qu'on lui a diagnostiqué un diabète de type 1 en 2009. Rien qu'à Dagahaley, une cinquantaine de personnes ont besoin de soins continus pour leur diabète, tandis que 300 autres doivent prendre régulièrement des médicaments pour d'autres maladies chroniques comme le VIH, la tuberculose ou le cancer. Les équipes de Médecins Sans frontières réalisent également environ 700 opérations chirurgicales vitales par an. S'ils retournaient en Somalie, tous ces patients se retrouveraient soudainement seuls.
De nouveaux traumatismes à défaut de soins psychologiques
Forcer les réfugiés à rentrer chez eux peut également laisser de profondes cicatrices psychologiques avec des conséquences à long terme. Depuis son retour, Halima est traitée pour des troubles de stress post-traumatique. La fille aînée d'Halima a également besoin d'un suivi psychosocial régulier. Bien qu'elle ait 16 ans, elle est encore en deuxième année, tout comme sa sœur de huit ans. "Cela a été une lutte pour ma fille", dit Halima. "Elle ne s'est jamais remise du traumatisme qu'elle a subi en Somalie, et cela a affecté sa vie quotidienne et même ses résultats scolaires."
Manque de clarté sur les plans de fermeture
En avril, le UNHCR a proposé un plan de fermeture des camps, mais le plan définitif n'est pas attendu avant la fin de l'année. Par conséquent, les réfugiés ont peu de temps pour se préparer à ce qui va se passer ensuite. Quoi qu'il arrive, les réfugiés disent qu'ils ne voient que deux options pour le moment : se réinstaller dans un pays tiers ou rester au Kenya. Un retour en Somalie semble absolument exclu pour la plupart d'entre eux.
Trouver des solutions durables avec les réfugiés
"De nombreux réfugiés partis et revenus nous disent que l'insécurité en Somalie est toujours très présente", explique Dana Kraus, coordinatrice pays. "Au lieu de se précipiter pour fermer les camps, une consultation significative avec les réfugiés et les communautés d'accueil est nécessaire afin que nous puissions les soutenir pour trouver des solutions durables et dignes."