Paludisme et dérèglement climatique : une double crise
Madagascar est un des pays le plus touché par le paludisme. Selon le ministère de la Santé Publique, le nombre de cas de paludisme notifiés en 2023 a dépassé le seuil épidémique national. 2,8 millions de cas et 400 décès ont été enregistrés contre 1,7 million en 2022.
Le district d’Ikongo, où Médecins Sans Frontières est présent, est confronté à une double crise de paludisme et de malnutrition, aggravée par des obstacles géographiques. Les enfants de moins de 5 ans sont le plus à risque de complications. Selon les estimations de l’USAID, le paludisme touche environ 7,5 % des enfants de moins de cinq ans dans le pays. La période de pic de paludisme qui s’étend de novembre à mai coïncide avec la saison des cyclones et des pluies qui va d’octobre jusqu’au mois de mai. Les routes pour rejoindre les centres de santé deviennent difficiles à pratiquer.
Des routes peu praticables
Durant la période de pluies et de cyclones, l'accès aux soins de santé devient encore plus difficile, ce qui met encore plus en péril la vie des enfants malades et les empêche d'être traités à temps. « Quand la pluie est trop abondante, nous avons des difficultés à prendre en charge les enfants. Les routes deviennent boueuses et peu praticables. Les eaux environnantes montent également. Nous, comme les patients avons des difficultés à nous déplacer, même pour aller au centre de santé ou pour les renvoyer chez eux » explique Docteur Nantenaina, médecin auprès du Centre de Récupération Nutritionnelle Intensive (CRENI) tenu par MSF.
Dans les zones difficiles d’accès comme le district d’Ikongo, la distance géographique entre les ménages et les structures de santé est importante. « Après avoir vu que l’état de mon fils s’aggravait, je me suis enfin décidée à l’emmener voir le médecin. Pour arriver ici, j’ai dû faire 4 heures de marche et une traversée dans l’eau, tout en portant mon fils sur mon dos » témoigne Soanary. C’est la mère d’un enfant de 4 ans qui souffre à la fois de malnutrition et de paludisme.
Soanary n’est pas la seule dans ce cas. Le manque de transport et le mauvais état des routes ne permettent pas aux communautés de rejoindre facilement les centres de santé ou les points de traitements paludiques, particulièrement pendant la saison des pluies et des cyclones. Les populations ne vont se rendre à l’hôpital qu’une fois l’état de santé devenu très grave.
Le changement climatique au cœur de la crise
Madagascar est l’un des pays les plus menacés par le dérèglement climatique. Le pays est gravement touché par les phénomènes météorologiques extrêmes qui fragilisent les conditions d’accès aux structures de santé ainsi que l’état sanitaire et nutritionnel global. Une situation qui a en partie favoriser l’augmentation des cas de paludisme et de malnutrition.
Selon l’organisation mondiale de la Santé, l'incidence du paludisme et la mortalité due à cette maladie ont augmenté de 25 à 55 % entre 2015 et 2022 et selon le rapport mondial sur le paludisme de 2023 ; l'incidence a augmenté de plus de 100 % depuis 2000 à 2022.
Les changements de température et de précipitations et les vagues de chaleur et d’inondations qui s’en suivent, peuvent avoir un impact sur le comportement et la survie du moustique anophèle porteur du paludisme et entraîner une augmentation de la transmission et de la charge de morbidité de la maladie.
Dans le district d’Ikongo, une région à climat tropical humide, les impacts du changement climatique vont encore plus loin. Avec des infrastructures routières limitées et une situation nutritionnelle déjà affaiblie, les passages des pluies et des cyclones réduisent considérablement l’accès aux structures sanitaires ce qui va fragiliser la santé globale de la population. De plus, la plupart des villages et communes du district sont entourés de marais et de rivières. En cas de fortes pluies, les plantations et les rizières sont inondées, exacerbant la situation nutritionnelle déjà précaire.
« En période de pluie, nos centres de santé reçoivent beaucoup de cas de paludisme » explique Evelyne, infirmière auprès du centre de santé primaire d’Ikongo. En effet, les périodes de pic coïncident avec la saison de pluie et de cyclones dans le pays. « Nous recevons au minimum 1 nouveau cas d’enfant malnutri atteint de paludisme présentant des complications chaque semaine durant les périodes de pluie » témoigne Dr Nantenaina, médecin auprès du Centre de Récupération Nutritionnelle Intensive tenu par MSF.
MSF est présente à Ikongo depuis 2022. Depuis le début projet à mars 2024, nos équipes en collaboration avec le ministère de la Santé Publique ont diagnostiqué et traité 2 205 enfants souffrant à la fois de malnutrition et de paludisme dont 256 cette année. Face à l’insécurité alimentaire exacerbée par les différents phénomènes climatiques et les cyclones, nos équipes ont intensifié leurs interventions dans la partie sud du pays, la plus impactée. Aujourd’hui, MSF appuie 7 centres de santé primaire et 2 centres de récupération nutritionnelle intensive, dans le diagnostic et la prise en charge des enfants atteints de malnutrition, dans le district d’Ikongo.